Jacqueline Salmon
Aniane, de l'oubli à la mémoire, de l'abandon à la revanche
Aniane, c’est le nom d’une très jolie petite ville de l’Hérault collée à la grande abbaye Saint-Benoît. Dans la mémoire collective, c’est devenu le nom du lieu que les habitants de la région appelaient « le bagne pour enfants » jusqu’au début du 20e siècle. De ce temps-là, il ne reste aucune trace ou plutôt presque aucune trace, tant les mots ont de force et finissent par habiter le regard. Les nombreuses archives témoignent que le bon sens populaire avait simplement résumé en vocables compréhensibles l’intention des colonies agricoles et industrielles créées au milieu du 19e siècle à la fois pour nettoyer les villes, et Paris en particulier, des jeunes vagabonds, orphelins, petits délinquants, et les mettre au travail forcé et non rémunéré sous prétexte d’éducation. Puis le centre pénitentiaire, devenu centre d’éducation surveillé, a été fermé, abandonné à lui-même, laissant les graffeurs prendre leur revanche sur l’institution.
Il était important pour moi de porter attention à ce lieu comme à tous ceux qui assemblent sous une même loi et un même toit des personnes qui n’ont pas choisi de vivre ensemble. Des lieux au destin imprévisible regardés à un moment charnière de leur histoire.