Clairvaux
présentation, 1993
Surveiller, pardonner, vivre. Essai sur la superposition du religieux et du carcéral.
Les « longues peines » de la centrale pénitentiaire de Clairvaux sont détenus dans un lieu chargé d’histoire. De saint Bernard et de l’invention de l’architecture cistercienne, au cloître du xviiie, des « cages à poules » aux bâtiments récents de la détention, ils participent à une histoire dont tous les éléments sont ceints du même mur ancestral. De ce lieu, ils ne voient rien sinon des murs ; de son histoire, ils ne connaissent rien, ou très peu.
Les photographies sont la figuration du destin des hommes qui y ont toujours été installés dans la réclusion. Qu’en est-il aujourd’hui du projet de rédemption des âmes, conduit par saint Bernard puis par des théoriciens de la prison tel Abel Blouet ?
J.S.
« Le travail alternant avec les repas accompagne le détenu jusqu’à la prière du soir ; alors un nouveau sommeil lui donne un repos agréable que ne viennent point troubler les fantômes d’une imagination déréglée. Ainsi s’écoulent six jours de la semaine ; ils sont suivis d’une journée exclusivement consacrée à la prière, à l’instruction et à des méditations salutaires. C’est ainsi que se succèdent et viennent se relever les semaines, les mois, les années ; ainsi le prisonnier qui à son entrée dans l’établissement était un homme inconstant ou ne mettant de conviction que dans son irrégularité, cherchant à détruire son existence par la variété de ses vices, devient peu à peu par la force d’une habitude d’abord purement extérieure, mais bientôt transformée en une seconde nature, si familiarisé avec le travail et les jouissances qui en découlent que, pour peu qu’une instruction sage ait ouvert son âme au repentir, on pourra l’exposer avec plus de confiance aux tentations, que viendra lui rendre le recouvrement de la liberté. »
Abel Blouet