Jacqueline Salmon

Lônes

présentation , Maison du Rhône, Givors 1990

Je me suis laissé conduire, par les textes de Bachelard, d’Edgar Poe, et par cette certitude : les premiers Égyptiens ont construit leurs temples sur le modèle de la forêt de papyrus noyée par le Nil : l’homme invente les formes du sacré en recopiant la nature.
Les totems, les stèles, les croix de marinier, les poupées magiques, les miroirs de sorcières, et les décors des récents ébats des êtres immatériels qui ont habité là, qui y habitent encore, existent. Toute l’imagerie du sacré, qu’il faut définir entre animisme et folie, se donne à qui désire la voir.
Les subites et violentes crues déclenchées par l’ouverture des vannes de régulation créent de manière imprévisible les conditions extrêmes du fleuve avant son aménagement. Crues, orages, remous, rapides… les amoureuses des mariniers qui les voyaient partir sur le fleuve savaient qu’ils y risquaient leur vie. Elles lançaient des fleurs sur l’impressionnant torrent pour l’amadouer.
Aujourd’hui, sur les berges imprécises, ce sont les cerisiers sauvages qui envoient leurs pétales tandis que les plastiques charriés depuis la ville s’accrochent, témoins d’excessives variations du niveau de l’eau. Là où ce n’est pas encore l’eau et déjà plus la terre, dans ces lônes devenues interdites, à vouloir des images on y risque et sa vie, et son âme.

J.S.