Notes et Chronologie, 8 rue Juiverie

Comp’Act, Chambéry 1989

presentation 8 rue juiverie
En 1536, le receveur général de Bretagne Antoine Bullioud commande à Philibert de l’Orme un ouvrage destiné à relier entre eux trois corps de bâtiment qu’il vient d’acquérir, 8 rue Juiverie.
Philibert, jeune architecte lyonnais, fils de maître maçon, a vingt-six ans. Il revient d’Italie où il a étudié les antiques et les modernes. Il est sous la protection du cardinal du Bellay, ami d’Antoine Bullioud.
Il va réaliser son premier ouvrage d’architecture, et ce faisant, découvre le trait de la voûte d’une trompe particulièrement subtile qu’il construit pour soutenir le cabinet sud de sa galerie. Il publiera en 1567 le premier traité d’architecture français : Inventions pour bien bâtir à petits frais.
Au milieu du xvie siècle, à la suite des épidémies de peste et des guerres de religion, les banquiers quittent la ville. Le quartier de la rue Juiverie se maintient, puis décline après la Révolution et se paupérise à la fin du xixe.
En 1964, à la suite de la loi Malraux de 1962, le vieux Lyon dans son ensemble est classé premier secteur sauvegardé de France. La municipalité décide en 1977 un programme de logements sociaux qui inclut l’hôtel Bullioud.
J’habite alors l’hôtel Paterin, au 4 rue Juiverie, et je viens de travailler deux années sur le chantier de la primatiale Saint-Jean. Concernée personnellement par les réhabilitations qui s’engagent rue Juiverie, je regarde l’hôtel Bullioud comme un théâtre où se jouent à la fois l’histoire de l’architecture, l’histoire de notre société, des histoires individuelles, ma propre histoire… Le théâtre du chantier de réhabilitation de l’hôtel Bullioud improvisait pour moi seule et en toute inconscience une mise en scène somptueuse, chaque jour renouvelée. Première communion, gigantesque lessive, et scènes traumatisantes de la mort. Je vivais ce « grand moment » de l’architecture comme un spectacle-symbole d’un revirement du temps.
Et là… derrière ce décor, 30 appartements vides de leurs habitants, lieux de vie ou de survie, où s’étaient superposées des traces de décor, où restaient affichées les dernières images… comme des clefs pour la compréhension d’une sensibilité commune à toute une société, qui dans son mode d’appropriation de l’espace faisait déjà partie du passé. Je décide de me soumettre à la règle du théâtre classique, unité de lieu, de temps, d’action, et travailler comme une archéologue, soucieuse de ne rien déplacer, de témoigner simplement d’un état des lieux.
En 1987, je rencontre Jean Louis Schefer à Lyon et nous décidons de faire ensemble le livre 8 rue Juiverie.

J.S.