Christophe Loyer

Calligraphie

éditions deux temps tierce, Paris, 1991

« S’il existe un sens du réel, il doit aussi pouvoir exister un sens du possible. »
R.Musil


Souvent, dans un travail de création, la relation entre une œuvre et la précédente n’est pas formulée ; ou du moins ne l’est-elle qu’à posteriori. Mais parfois une règle s’impose, et sa simple application mène en des lieux inconnus.
Les photographies présentées ici font partie de cette catégorie des « phénomènes déduits ». Comme c’est souvent le cas, la règle dont elles découlent a connu, avant d’être formulée, une gestation souterraine.
D’autres photographies de sculptures les avaient en effet précédées. Toutes avaient en commun de créer autour des sculptures, et comme émanant d’elles, une qualité particulière d’espace et de temps qui les prolonge en suggérant une situation, une atmosphère, le début (ou la fin) d’une histoire. Il ne s’agissait pourtant jamais de véritables mise en scène, mais plutôt de l’exploitation du jeu aléatoire des ombres, du hasard d’une lumière particulière, d’un peu de terre ou de sable resté collé, du bord d’une flaque d’eau qui devient la mer, du bord d’une marche d’escalier qui devient celui d’un quai surplombant un gouffre ou une eau noire.
Un tel parti-pris se justifiait par l’esprit des sculptures elles-mêmes, traces et témoins de mythes à la fois perdus, et encore à écrire.
Corollaire incontournable, ce jeu des sens possibles devait, à chaque fois, être indissociable de celui des masses d’ombres et de lumières : le jeu pictural.

A posteriori, la règle aurait pu s’écrire :

Ne pas éluder, mais au contraire dramatiser les accidents de lumière, les jeux d’ombre, pour faire de l’objet tridimensionnel le prétexte à la composition d’une image plane (picturale) qui n’en soit pas la représentation stricte, mais bien plutôt une sorte d’écho graphique, une réponse (ou une question), et la mise en place d’un dialogue dans lequel l’important ne soit plus l’un ou l’autre des dialogants, mais l’espace qui les sépare, ou qui les relie.

Une formulation plus radicale et particularisée a donné lieu aux photographies présentées ici, avec lesquelles le jeu pictural est devenu le véritable révélateur des formes possibles de l’objet, bien que peut-être de lui-même ignorées :

a - Montrer une petite sculpture, toujours la même.

b – La cacher et l’éclairer, en donnant la préséance absolue au jeu pictural des ombres, et ce de façon a obtenir à chaque fois une image différente.

c - L'ensemble des calligrammes ainsi obtenus forme un alphabet ...



Christophe Loyer, septembre 1991