Christine Bergé

MHSD / Déconstruction

Loco, paris 2010


1. Rencontres

C'est en 1973, à Marcoule, que démarre Phénix, réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium. La société NERSA (Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides société anonyme) est crée la même année : rassemblant les investissements économiques de six pays d'Europe, elle est chargée de construire sur le même modèle, mais de dimension industrielle, le réacteur Superphénix qui sera installé en bordure du Rhône, à Creys-Malville. Porté par un élan sans précédent, le nouveau réacteur suscite tous les espoirs. C'est le plus grand surgénérateur du monde. Comme nous allons le découvrir, son histoire mouvementée est un point de convergences d'importantes forces sociales, politiques et économiques. Ce focus particulier fait de Superphénix une sorte de personnage dans le paysage nucléaire français, européen et mondial.
Depuis une dizaine d'années, la centrale de Creys-Malville est en déconstruction. Les "anciens", ceux qui ont toujours travaillé sur le site, témoignent avec nostalgie de l'époque où la centrale fonctionnait à plein régime. Une technologie de pointe conduite par une société cosmopolite désireuse de relever le défi. L'un d'entre eux confesse sa fascination : « C'est vrai qu'il y avait quelque chose de grisant. Superphénix, c'était le surgénérateur le plus puissant. On avait le sentiment d'être un peu comme les alchimistes d'autrefois ».

L'arrêt brutal de la centrale en 1997, sur décision politique, témoigne d'une rencontre frontale entre l'essor technique et l'évolution historique. D'ordinaire, les centrales nucléaires sont déconstruites à l'issue d'un service accompli comme il se doit. A sa façon, l'ouvrage que nous réalisons ici est le fruit d'un désir de garder en mémoire le destin particulier de Superphénix. Le livre est lui-même le fruit d'une rencontre de trois personnes qui, en se penchant sur la disparition programmée de la centrale, souhaitent retracer quelques-unes des lignes fortes de son histoire de vie.
Je connais Jacqueline Salmon depuis longtemps, et nous avons à plusieurs reprises travaillé ensemble . Elle s'est intéressée au site de Creys-Malville dès les années 80. "J'ai visité la centrale pendant sa construction, dit-elle. A ce moment-là, je travaillais sur le chantier de rénovation de la cathédrale Saint-Jean, à Lyon. Je ne pouvais pas m'empêcher de faire un parallèle entre la construction du surgénérateur et la construction des cathédrales au Moyen-Age. Le coeur du réacteur comme le choeur de la cathédrale sont le réceptacle d'une énergie supérieure, redoutable et mystérieuse. Ces deux architectures mettent en oeuvre des technologies nouvelles, à la pointe des savoirs. Et elles sont pensées à l'échelle de tout un territoire".

Soucieuse de constituer une mémoire des lieux emblématiques de la société contemporaine Jacqueline Salmon avait décidé en 2005 de réaliser un important travail photographique sur les déchets nucléaires . C’est dans ce cadre qu’elle commence à s’intéresser aux centrales en cours de déconstruction et surtout à Superphénix où elle était curieuse de retourner. Avoir des autorisations de prises de vue est long et difficile mais en 2006, l'équipe dirigeante de Creys-Malville lui donne accès au site. Une aventure imprévue commence lors de la rencontre entre Jacqueline Salmon et Bernadette Mahé, attachée de communication. Cette dernière évoque l'idée d’une exposition des photographies, et Jacqueline Salmon suggère que je participe au projet en recueillant la parole des acteurs sur le site. J' accepte avec plaisir cette proposition : écrire un court texte pour accompagner l'exposition photographique sur dix ans de déconstruction à Creys-Malville .
Nous avons alors toutes les trois pris conscience de l'ampleur que pouvait prendre le projet, si nous le prolongions par un livre qui permettrait d'explorer l'histoire de Superphénix. Ce sont ainsi deux ouvrages, qui seront publiés presque simultanément. Celui ci (TITRE) est plus particulièrement destiné aux acteurs du site et aux amateurs de photographies. L'autre livre, Superphénix ou la déconsctruction d'un mythe, favorise un texte largement développé, s’adressant à un public curieux de connaître le fonctionnement et les enjeux de la déconstruction de Superphénix. Edité par Philippe Pignarre aux éditions de La Découverte en octobre 2010, il est illustré de quelques photographies noir et blanc sélectionnées par Jacqueline Salmon.

2. Superphénix : géo-graphies

Vu du ciel, le site de Creys-Malville s'inscrit à l'intérieur d'un rectangle formé par les bourgs de Faverges, Mépieu, Malville et Flévieu. La centrale est cerné par les champs et le fleuve qui coule vers le sud-est. Le bâtiment réacteur émerge de l'ensemble comme un point minéral ou une gemme sertie par quatre points métalliques. Les bâtiments techniques et administratifs sont serrés tout autour, comme les maisons d'un village autour de l'église. Le graphisme du site est marqué par les chemins de desserte qui dessinent des arabesques filant vers les frontières.
Vu de la route, on remarque de suite l'imposant édifice du bâtiment réacteur dont la masse crayeuse s'élance à 80 mètres de hauteur. De jour comme de nuit, le feu clignotant lance son avertissement. Ici travaillent quatre cent personnes qui accomplissent depuis plus de dix ans la déconstruction du site.
Une centrale nucléaire est une ville, une machine, une machine-ville. Elle a son histoire, sa mémoire. Elle occupe le sol d'une façon singulière : érigée comme une ville, elle est un outil dont on programme la disparition. Aucun autre outil ne connait ce destin.

1976. Sur le site nu, parmi les gravières proches du Rhône, c'est encore un royaume naturel. Superphénix : projet d'industrie et rêve d'architecte. Sur la table à dessin, la plume trace à l'encre de Chine la géographie des berges, le fleuve en perspective et dessine le contour des premiers bâtiments. En 2010, je rencontre Jacques Bonnard, l'un des architectes de la centrale. "Nous avons réalisé les premiers sondages du sol dès 1974, dit-il. A l'époque il y avait des vignes, des champs et quelques îlots de verdure. Nous n'avions pas encore d'ordinateur. Une fois que les dessins étaient réalisés, les maquettistes mettaient tout ça en volume. Ils voyaient si le passage des tuyauteries ou des câbles était correct, ils pouvaient confirmer la position des composants". Les maquettistes ont réalisé le bâtiment réacteur en miniature, tout en plexiglas, 1,80 mètre de haut. On peut même ouvrir le réacteur et jouer avec les composants.
L'architecte déroule sous mes yeux les plans, de vraies oeuvres d'art. "Tout était pensé dans le détail, ajoute Jacques Bonnard. Ingénieurs et architectes se complétaient, le fonctionnel allait de pair avec l'esthétique". Aujourd'hui, l'origine rejoint la fin : "On s'installait dans la nature. Et maintenant, on voudrait faire un retour en douceur dans la végétation, laisser la nature reprendre ses droits".

Superphénix est né dans un âge d'or où l'essor technologique du nucléaire français était pensé à l'échelon national, accompagné d'un vaste mouvement de réflexion sur l'architecture des centrales. Aujourd'hui, 58 tranches nucléaires fonctionnent, 9 sont à l'arrêt. Un grand chantier national est en cours : celui de la déconstruction des centrales ayant achevé leur mission. De nouvelles questions sont levées, celles qui portent sur la gestion des déchets du nucléaire, sur les modalités de restitution des sols.
Dans ce contexte, le démantèlement de Superphénix doit durer encore quelques décennies. Une fois au pied du dôme, flanqué de ses tourelles oranges, j'imagine comment c'était quand il n'y avait rien : imaginer ce moment rend plus imposante encore la masse de l'édifice. Et pourtant, un jour, il sera détruit à son tour. Sur le site, on me parle de déconstruction. Comment se projeter dans l'avenir ? Que signifie, pour les lieux, l'idée d'un retour à la nature ?
Icare fils de l'architecte Dédale, est l'archétype du technicien. La légende grecque raconte qu'il avait attaché ses ailes avec de la cire, et la cire a fondu lorsqu'il s'est approché du soleil. Il est tombé dans la mer mais il a survécu, et il a continué à réfléchir à de meilleures solutions...

3. Filiations techniques

Superphénix est issu d'une technologie dont l'histoire remonte aux découvertes de Enrico Fermi, prix Nobel de physique en 1938 . Pendant les années 30, les physiciens ont exploré les réactions (par collision) des neutrons sur tous les éléments de la table de Mendéleïev. "Fermi, écrit Reuss, s'intéressait en particulier à l'absorption des neutrons par les noyaux lourds, l'uranium notamment, espérant ainsi prolonger la table des éléments au-delà de 92, par l'absorption suivies de décroissances radioactives bêta" .
Ce qu'on appelle couramment le "bombardement neutronique" a permis la découverte de la fission qui s'en suivait. Fermi cherchait à découvrir le neptunium (élément 93) et le plutonium (élément 94). Mais c'est Glenn Seaborg qui produisit les premiers atomes de plutonium par bombardement de l'uranium en décembre 1940. Il produisit l'isotope 238.
Dans les réacteurs nucléaires, c'est le plutonium 239 qui est produit. Pour entraîner une percussion neutronique constante et maîtrisable, véritable moteur capable de produire le combustible, il fallait réaliser une "réaction en chaîne". L'idée fut pressentie par Fédéric Joliot dès 1939. Fermi réalisa le premier réacteur (la fameuse "pile" CP1) en utilisant du graphite et de l'uranium naturel. C'est en décembre 1942 qu'eut lieu la première divergence de ce moteur, expérience gardée secrète. Tous les usages en action dans une centrale nucléaire étaient déjà en place : l'idée d'une fission contrôlée, et l'immédiate entrée en marche d'un mangeur neutronique en cas de débordement. En 1945, Enrico fermi proposa le concept de surrégénérateur, qui fut rapidement adopté, sous le nom de surgénérateur.
Superphénix illustre, dans l'histoire de l'énergie nucléaire, une technologie particulière. D'une part, celle des réacteurs à neutrons "rapides" (RNR), c'est à dire sans modérateur ; d'autre part, le choix du sodium comme fluide caloporteur. La première production expérimentale d'électricité d'origine nucléaire a été obtenue par le RNR à sodium EBR1 aux USA en 1951 . C'est lui qui a démontré la possibilité de la surgénération : il pouvait produire davantage de combustible qu'il n'en consommait . La France a commencé les expériences sur les RNR en 1967, avec le démarrage de Rapsodie (à Cadarache), accompagnée de deux petits réacteurs expérimentaux (Harmonie et Masurca). Ensuite, la démonstration approfondie de la filière à neutrons rapides fut accomplie par Phénix (à Marcoule) en 1973. Phénix, du nom de l'oiseau qui renaît de ses cendres, illutrait l'idée même de surgénération : l'idée du moteur éternel, du mouvement perpétuel.
C'est dans cette lignée que s'inscrit Superphénix, qui connut sa première divergence en 1985. C'était lui aussi un prototype, mais accompagné d'une ambition particulière : il s'agissait de passer directement de la puissance modérée de Phénix, à une puissance industrielle de 1200 We. En outre, l'installation a permis de confirmer la "conception intégrée". Celle-ci consiste à loger, dans une cuve de grandes dimensions, l'ensemble des éléments du circuit primaire, c'est à dire le coeur, les pompes et les échangeurs intermédiaires.
« Ces solutions techniques, expliquent les ingénieurs, permettent d'obéir à l'impératif de sûreté. Une grande masse de sodium est plus apte à supporter les grandes variations thermiques. D'autre part, la cuve principale en acier inoxydable, est enfermée dans une cuve de sécurité, puis soudée à une dalle de fermeture, ce qui permet de respecter le « principe de confinement », un des principes essentiels de la sécurité ».
Au niveau symbolique, la grande puissance de Superphénix le fit d'emblée entrer dans l'autre monde, celui du mythe et de l'imaginaire. Superphénix, c'était le dépassement des limites, le désir d'immortalité.

4. Le mythe, le monstre et la machine    

Dans toutes les cultures, les vecteurs de l'imaginaire, symboles et métaphores, accompagnent toujours les actions techniques de l'homme. C'est même ce qui l'unit profondément à ce qu'il fabrique. Il ne peut s'empêcher d'accorder son outil au vaste univers anthropomorphique.
Ainsi, le coeur du réacteur bat comme celui d'une forge, comme celui d'un haut-fourneau. Il évoque le feu captif, le métal en fusion, dans l'action d'énergies colossales. L'écrivain Michel Butor plante le décor de son Icare dans le Musée des Arts et Métiers, le temple de l'ingénieur. Il a recueilli dans un texte d'Emile Zola cette belle description d'un des premiers hauts-fourneaux dont l'image n'est pas très éloignée de celle d'un réacteur nucléaire :
"Il y avait encore des récipients d'eau, tout un tuyautage qui entretenait un courant continuel autour des flancs de briques, qui les rafraîchissait et diminuait l'usure de l'effroyable incendie intérieur. Et le monstre disparaissait ainsi sous la complication des aides qu'on lui donnait, un entassement de bâtisses, un hérissement de réservoirs de tôle, un enchevêtrement de gros boyaux métalliques, dont l'exetraordinaire ensemble, la nuit surtout, prenait des silhouettes monstrueuses, d'une fantaisie barbare. En haut, on distinguait, dans le flanc même du roc, la passerelle qui amenait les wagons de minerais au niveau du gueulard. La cuve, en-dessous, dressait son cône noir, et c'était ensuite, dès le ventre jusqu'au bas des étalages, une puissante armature de métal soutenant le corps de briques, servant de support aux conduites d'eau et aux quatre tuyères. Puis, tout en bas, il n'y avait plus que le creuset, où le trou de coulée était bouché d'un tampon de terre réfractaire. Mais quel animal géant, à la forme inquiétante, effarante, et dont la digestion dévorait des cailloux et rendait du métal en fusion ! Pas un bruit, d'ailleurs, pas une clarté" .

Animaux mythiques, noms de divinités : les réacteurs, comme les particules qui les animent, sont des créatures techno-mythiques. Plutonium et uranium sont des êtres des profondeurs, celles de l'espace et du temps. Pluton, dieu des enfers, est l'Hadès grec dont le nom signifie celui qui rend invisible. Uranus est le père des titans. Son nom signifie le ciel étoilé ou le firmament. Ils illustrent les noyaux les plus lourds de la matière. Superphénix, l'oiseau doré qui renaît de ses cendres, vit lui aussi dans le registre des monstres fabuleux. Fugen et Monju, réacteurs à neutrons rapides du Japon, portent le nom de divinités, personnifications des états d'éveil sur la voie du bouddha. Fugen, symbole de la fermeté spirituelle, chevauche un éléphant blanc à six défenses. Monju, monté sur un tigre bleu, brandit dans sa main droite une épée de feu, et dans sa main gauche tient le livre de la sagesse. L'attribution de ces noms aux RNR japonais illustre bien les espoirs portés vers l'industrie nucléaire .

Le travail et ses rythmes, les ingénieurs et les mineurs, comme les matières, tout est ainsi versé au service d'un être exigeant dans lequel la dimension humaine s'efface. Une vie divine, ou humano-mécanique. Toujours Zola : "Bruits de machines. Rumeurs et balbutiements. Parquets. Pâles formes, les quatre ouvriers fondeurs de l'équipe nocturne, errant dans l'attente de la coulée. En haut, sur la plate-forme du gueulard, on n'apercevait même pas les chargeurs qui, silencieusement, obéissaient aux signaux venus d'en bas, en versant dans le four les quantités voulues de minerai et de charbon. Et pas un cri, pas un flamboiement" .

Superphénix et son coeur secret bien serti sous le dôme. Son histoire s'inscrit dans un parcours technologique qui le place comme un héros victorieux dans la "bataille" des surgénérateurs. Il fut la réalisation d'un rêve d'ingénieurs. Ou peut-être, comme l'écrit Michel Butor : "Ce sont les machines qui rêvent d'ingénieurs qui rêvent" . Un rêve orgueilleux. Une tour de Babel, destinée à devenir plus haute que le ciel, à devenir l'étoile du monde nucléaire. D'une puissance inquiétante, Superphénix fut "un volcan aux portes de Lyon", comme le dit avec force Lanza del Vasto lors d'une manifestation anti-nucléaire.

5. L'emblème et son destin

Les épisodes techniques et politiques aigüs qui accompagnent l'histoire de Superphénix en font un personnage dont le destin contrarié alimente l'aspect mythique.
Il illustre bien la volonté de poursuivre les expériences sur les RNR. Mais il représente un décrochage en termes de dimensions, comparé aux précédents surgénérateurs expérimentaux. La taille hors-norme a engagé une innovation sur le plan socio-économique : il est le fruit d'un travail soutenu par une "Europe des Six". La NERSA impliquait au départ un partenariat France-Allemagne-Italie auxquelles se joignirent la Belgique, la Hollande et l'Angleterre. Superphénix apparaît comme une figure de proue : ses homologues, qui devaient être construits en Allemagne et en Italie, n'ont jamais vu le jour.

Commencée en 1976, sa construction se poursuit dans un climat social difficile . Son histoire croise à plusieurs reprises celle des mouvements anti-nucléaires. En 1977, elle est le siège de violentes émeutes : c'est la mythique "bataille de Malville", au cours de laquelle meurt Vital Michalon. La même année, Jimmy Carter, président des Etats-Unis, annonce l'arrêt de la construction du réacteur de Clinch River. Deux ans plus tard, en 1979, le REP (réacteur à eau pressurisée) de Three Miles Island est accidenté : la moitié de son coeur entre en fusion. En France, une pétition nationale est signée, qui demande l'arrêt du chantier de Superphénix. Les travaux continuent. En 1980, le RNR soviétique BN 600 démarre. En 1982, une roquette lancée sur le bâtiment réacteur de Superphénix pénètre par une brèche ménagée pour l'entrée des grands composants du réacteur, occasionnant des dégâts matériels .
Alimenté en sodium à partir de 1984, Superphénix connait sa première divergence en 1985. En janvier 1986, la centrale est couplée au réseau EDF. Le site est une vraie ruche qui accueille trois mille ouvriers de plusieurs nationalités. Chacun selon sa spécialité, comme en témoigne Jean-François D., chimiste dans le laboratoire de Creys-Malville depuis cette époque : "Les Italiens étaient à la salle des machines, les Allemands à l'électronique". Au mois d'avril de la même année, un réacteur de la centrale de Tchernobyl explose, provoquant une catastrophe écologique et humaine. En décembre 1986, Superphénix atteint sa pleine puissance. Trois mois plus tard, on détecte une fuite de sodium dans le barillet. Le réacteur est mis à l'arrêt. La Suisse demande au gouvernement français de ne pas redémarrer Superphénix. La même année, l'Italie prend la décision de renoncer à la politique nucléaire.

Après son redémarrage en janvier 1989, la machine connaît encore plusieurs avanies qui entraînent des arrêts pour motifs techniques. Les épisodes de remise en marche sont à chaque fois environnés de difficultés administratives et de manifestations anti-nucléaires. En 1991, La Direction de la sûreté des installations nucléaires demande à la NERSA d'étudier les dispositifs de prévention des feux de sodium, à la suite de l'incendie dans une centrale solaire espagnole dont le liquide de refroidissement est le sodium. En juin 1992, alors que la DSIN autorise un redémarrage à puissance réduite dans l'attente de la conclusion de ces études, le rapport Curien envisage d'utiliser Superphénix pour étudier "l'incinération" des actinides mineurs. Trois ans plus tard, un feu de sodium détériore le réacteur japonais de Monju, qui ne redémarrera pas avant 2010. Alors que la Commission Castaing évalue l'avenir de Superphénix, la centrale fonctionne à régime croissant, jusqu'à atteindre 90% de sa puissance nominale. On est en 1996. Plusieurs manifestations anti-nucléaires sont organisées pour rappeler les dix ans de la catastrophe de Techernobyl ; la même année la Commission Castaing conclue par un avis favorable pour l'incinération des actinides à Creys-Malville.
En décembre 1996, Superphénix est arrêté pour un programme de révision demandé par l'Autorité de sûreté nucléaire : contrôle des tubes et épreuves hydrauliques dans les générateurs de vapeur. Durant cet arrêt, outre la révision d'autres équipements, plusieurs modifications du coeur doivent être réalisées. Le travail a déjà commencé, lorsque les opérateurs apprennent en février 1997 l'annulation, par le Conseil d'Etat, du décret autorisant la centrale à redémarrer (décret de 1994, qui cependant avait déjà permis le redémarrage après l'enquête publique de 1993). Le personnel de la centrale poursuit ses activités pour tenir la machine prête à repartir. Quelques mois plus tard, à la suite de la victoire de la gauche aux élections législatives, Jospin devient premier ministre. Au cours de sa campagne, il s'est engagé à fermer le site de Creys-Malville. En juin 1997, les acteurs de la centrale mettent en place un Comité de soutien pour le maintient du site. Mais le 19 juin, pour les acteurs de la centrale, le couperet tombe. Jospin déclare : "Le surgénérateur qu'on appelle Superphénix sera abandonné".

6. Deuil et déconstruction

Le coeur du réacteur est de suite mis à l'arrêt. Dans la forteresse flanquée de ses quatre ailes orange, les hommes sont en plein désarroi. La salle des machines qui abritait les grandes turbines spiralées capables d'alimenter la ville de Lyon est immobilisée. Sous le dôme du BR, tout est plongé dans la nuit. Le plus haut pont tournant d'Europe cesse de tourner.
Lorsque j'arrive sur les lieux, presque dix ans plus tard, je m'aperçois que toutes les horloges des bâtiments administratifs sont masquées d'un carton blanc : ici, le temps s'est arrêté. J'interroge un des "anciens" du lieu qui me répond avec un sourire bizarre : "Les horloges, ça doit dater de l'arrêt du réacteur... C'était plus la peine de compter !"
Ces cadrans vides matérialisent la coupure historique, la condamnation de la centrale. Ils correspondent au point de départ d'un deuil qui n'en finit pas. La mise entre parenthèses de l'histoire du site est aussi le point de départ du récit mythique entretenu sur Creys-Malville. Les événements dessinent un fort contraste : après l'essor, l'effondrement. En 1997, à l'annonce de l'abandon de Superphénix, les acteurs de la centrale ont répondu par une opération "ville morte" sur Morestel. Pendant ce temps, les opposants à Superphénix commémoraient la mort de Vital Michalon par un jeûne de quarante-huit heures devant le site. Afin de marquer ce deuil, le personnel de la centrale a inventé pour Superphénix un rituel peu ordinaire. Un des ingénieurs en témoigne : "Nous lui avons fait un enterrement symbolique, dit-il, avec une vraie pierre tombale. La pierre existe toujours, plantée en terre près d'une des grilles de l'entrée".

La déconstruction devait de suite commencer, alors que les esprits n'étaient pas préparés. Des consultations pyschologiques ont dû être mises en place pour tenter de guérir la blessure : "Nous avons eu des consultations jusqu'en 2004, dit Anne R., médecin attachée au site. En 2003, certains ne voulaient pas qu'on casse la salle des machines. Ils ne pensaient pas qu'on allait vraiment arrêter. Ils disaient : Je ne veux pas partir. C'était une histoire d'amour, ils se serraient les coudes".
L'ordre était donné de démonter le réacteur. Gilbert H. se souvient de ce moment : "On disait qu'on allait arrêter. Il fallait décharger le coeur ? Mais c'était un coeur de jeune homme ! J'étais chef de déchargement, et je me disais : On n'a même pas eu le temps de consommer ce qu'on a ... Tout notre effort de travail a été coupé. Voilà. La chaudière ronronnait comme une marmite. On la maîtrisait bien, on peut se permettre de le dire comme ça. C'était une machine unique."

Les hommes éprouvaient un sentiment de gâchis : le premier coeur n'avait été que partiellement consommé, et le deuxième était tout neuf. Comment imaginer vider la salle des machines, grande comme une église, et dont le matériel avait prouvé son efficacité ? Et surtout, comment renoncer à l'élan professionnel ? "On était tous hyper bien formés, dit Gilbert H., le travail était intense, il fallait une dynamique spécifique, une compétence et un fonctionnalisme parfaits".
Le sentiment du gâchis s'accompagnait d'une certitude de l'inutilité de la démarche : "On allait arrêter une centrale RNR, on n'arrêtait pas la filière pour autant", pensaient les ingénieurs. Pour l'ensemble du personnel, le seuil était difficile à franchir. "Quand on a compris que c'était fini, on a pensé : On n'a plus d'avenir. Tout le monde se taisait, dit Daniel C. Certains sont partis, d'autres ont pris leur retraite, il a fallu se remettre en question, il y en a qui n'ont pas voulu".

Déconstruire allait engager une tout autre gestion, la mise en place de nouveaux savoirs-faire, de nouveaux modes de fonctionnement collectif. Tous devaient désormais faire passer le contenu de la centrale dans une conception rationalisée des "déchets" occasionnés par le démantèlement. De la production, il fallait passer à une disparition programmée des matériaux et bâtiments dont les dimensions imposantes devraient être fractionnées : 200 000 mètres cubes de béton, 20 000 robinets et vannes, 20 250 tonnes d'acier, 3800 kilomètres de câbles électriques, 13 tonnes de plutonium, 163 tonnes d'uranium, et 5500 tonnes de sodium.

7. Démantèlement du coeur : les savoirs-faire

L'autorisation de mise à l'arrêt définitif (MAD) du réacteur a été prononcée par décret le 30 décembre 1998. "Une fois la décision prise, il fallait montrer au public que la machine était morte d'une façon irrémédiable, raconte Daniel C. Il fallait donner un signe fort. Mais déconstruire, ça ne s'improvise pas. On a dû rédiger des projets, attendre la validation des commissions, obtenir des autorisations. "
Comment se sont concrétisées les premières opérations ? "Ce qui était visible de loin, poursuit-il, c'étaient les cheminées. Les enlever, ce serait la première manifestation tangible. Mais démonter le coeur, c'était ça qui matérialisait l'arrêt définitif. Pour nous, c'était une autre histoire : on a dû apprendre ce qu'on ne savait pas faire. On a dû tout recommencer."

Sur les instructions du CLI (Centre lyonnais d'ingénierie) furent mises en place les opérations de démontage du coeur. Le CIDEN (Centre d'ingénierie de la déconstruction et de l'environnement), créé par EDF à Lyon en 2001, n'existait pas encore. L'extraction des assemblages irradiés commença en décembre 1999. Ils devaient transiter jusqu'à la piscine de l'APEC (Atelier pour l'entreposage du combustible) construite en 1989. Cet atelier servirait désormais de lieu de stockage de longue durée, pour les assemblages irradiés et pour le second coeur tout neuf.
"Les assemblages transitaient en aveugle, avec une caméra et des détecteurs, grâce à des automates pilotés depuis la salle des commandes", raconte Gilbert H. Le démontage du coeur, c'était autre chose que les opérations coutumières de chargement et déchargement. "Le poste de transfert des combustibles a fonctionné à plein régime, dit un autre ingénieur, avec une quantité impressionnante d'assemblages par mois".
L'opération s'est poursuivie pendant trois ans. Une fois extrait de la cuve, chaque élément du combustible irradié était égoutté puis descendu dans un puits de lavage où on le débarrassait de son sodium résiduel. Ce sodium radioactif devait être neutralisé par une opération spécifique, la carbonatation. Le procédé, élaboré au sein du CEA (Commissariat à l'énergie atomique), avait été utilisé dans la centrale de Phénix, dont Superphénix bénéficiait du "retour d'expérience". Une fois lavé, l'assemblage remontait vers les cellules de manutention. Derrière les vitres au plomb des cellules blindées, un technicien notait le code gravé de l'assemblage afin de l'identifier. L'élément redescendait ensuite pour rejoindre, enclos dans une protection, la navette qui le transportait dans l'espace souterrain situé entre le BR et l'APEC.
"Le travail était délicat, dit Gilbet H. Les automates montraient parfois des fragilités. Le grappin devait attraper l'assemblage, mais un jour un doigt de grappin a lâché, et un assemblage est tombé d'une hauteur de cinquante centimètres. Il n'y a pas eu de problème particulier, mais le grappin fautif a été envoyé pour examen. On avait ce genre d'incident, mais c'est ce qui faisait la richesse de nos opérations."

Des difficultés se présentaient parfois. En 2010, le journal de la centrale, le Creychu, fête l'anniversaire des dix ans de démontage du coeur. Le journal cite le témoignage d'un technicien, sept ans plus tôt : "Nous avions à sortir, en plus des assemblages combustibles, plusieurs barres de commandes. Durant cette opération, un souci était apparu sur le puits de lavage qui s'était retrouvé bouché par le sodium. Des gouttellettes d'eau avaient dû être envoyées pour dissoudre le bouchon. Je me souviens encore du bruit engendré, impressionnant !" Pour résoudre les problèmes, des instruments spécifiques ont dû être inventés, comme le mini-ringard, une perche de trente-six millimètres de diamètre et de quatorze mètres de long, munie d'un grappin, conçue pour récupérer les quatre-vingt deux dernières protections neutroniques latérales. Ces PNL étaient inaccessibles par les moyens de manutention existants, et il fallait les rapprocher de la machine de transfert.

Aujourd'hui, le démontage du coeur est terminé. Les assemblages sont parqués dans les rateliers de la piscine de l'APEC pour un temps indéterminé. Les dernières PNL ont été démontées en avril 2010. Tous les "petits composants" qui entouraient les éléments combustibles, notamment les mécanismes de barre de commande ont été découpés dans l'atelier MDA (Manutention démantèlement A) installé dans une partie du BR, puis mis dans des conteneurs dont une partie reste sur le site.
Lorsqu'on entre dans l'ancienne salle des commandes - devenue salle de surveillance - on aperçoit les quatre lettres MHSD sur le panneau qui affichait autrefois en temps réel le chiffre de la puissance de fonctionnement du réacteur. "Cette MHSD concerne tout ce qui est attaché au contrôle de commande du réacteur, dit Till V. B." La plupart des pupitres et des consoles sont obturés, mais les équipes de quart continuent à assurer les fonctions vitales du site : vérifier la disponibilité des matériels et instruments, consulter les mesures et les alarmes pour détecter d'éventuels dysfonctionnements, fuites ou anomalies. Le personnel de la centrale poursuit l'extraction des immenses pièces qui assuraient la convection du sodium (notamment les pompes primaires et secondaires), ainsi que le traitement des 5500 tonnes de sodium.

8. Sodium et composants : des ateliers spécifiques

Tous les éléments qui composent la centrale doivent être à terme découpés, triés et disposés dans des conteneurs appropriés. Ces opérations s'accomplissent selon des chantiers parallèles dont les rythmes sont différents. En outre, les mêmes lieux sont amenés à recevoir des fonctions différentes. Par exemple, la salle des machines a été entièrement démontée ; son immense espace (10 000 mètres carrés) a plusieurs fonctions. Elle sert de zône d'accueil provisoire pour de nombreux conteneurs de déchets provenant de l'atelier de découpe des "gros composants" MDG (Manutention démantèlement gros), en attente de leur envoi à l'ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs). Elle abrite l'atelier flambant neuf TNA (traitement du sodium). Enfin, au sous-sol, à moins deux mètres, les fosses de déchets faiblement et moyennement actifs s'apprêtent à recueillir leurs colis.

L'atelier MDG, construit au sein du BR, est une cellule forte de 60 mètres carrés, 31,85 mètres de hauteur, recouverte en peau d'inox. "L'atelier a été construit, me dit un ingénieur, dans un ancien local d'entreposage d'objets métalliques irradiants dont il a fallu enlever toute trace de contamination. Pour éviter la dispersion des poussières, l'air est soumis à un étagement de pression."
Le pont roulant, avec sa hotte, vient déposer les pièces d'une vingtaine de mètres de hauteur. Certains éléments font 340 tonnes, hotte comprise. Il faut les découper avec une torche à plasma, dans une cellule très confinée où travaillent trois ouvriers. "Ce genre d'atelier n'a pas été prévu à la construction, poursuit l'ingénieur. On travaille sur les pompes secondaires et on attend le "retour d'expérience" : quel genre d'incident on peut avoir, etc... On a fait des protocoles avec les pompiers pour évacuer un blessé, on filme le processus d'habillage et surtout de deshabillage, parce qu'il ne faut pas emporter de contamination à l'intérieur de la tenue".
Les opérateurs portent la tenue Matisec, une tenue ignifugée et renforcée, d'une seule pièce, la partie protégeant la tête étant elle-même ignifugée. L'alimentation en air se fait dans toute la combinaison. Le travail de découpe accompli en "ambiance chaude" est assez éprouvant, comme en témoigne un responsable de chantier, dans un numéro du Creychu de 2009 : il souligne que cette tenue de protection impose des temps d'intervention limités à une heure trente.

Pendant que les hommes découpent les gros composants et les conditionnent en conteneurs qui attendront quelque temps sur le site avant de prendre le chemin de l'ANDRA, d'autres se chargent de convertir le dangereux sodium (explosif et inflammable) en des cubes de béton sodé de un mètre de côté. Le procédé, développé par le CEA, a été validé sur le site de Cadarache en 1993 et utilisé à Dounreay en Ecosse. L'opération s'accomplit dans un quasi goutte-à-goutte : on injecte une faible quantité de sodium liquide dans une solution de soude aqueuse. La soude ainsi obtenue est utilisée comme eau de gâchage et mélangée à du ciment, de la cendre et divers adjuvants. Les blocs de béton réalisés permettent le confinement de la radioactivité, qui doit continer à décroître durant toute la période où ils seront entreposés dans un bâtiment conçu pour les accueillir.
L'atelier TNA se présente comme un atelier industriel de traitement et de production. Les techniciens convertissent tout d'abors le sodium non irradié (sodium secondaire). Dans la zone de cimentation et entreposage des blocs, entourée d'une haute grille, les cubes sont alignés en rangs serrés sur les claies métalliques d'une vingtaine de mètres de hauteur. Ils doivent sécher et durcir, avant de rejoindre le bâtiment HB ("Hall Béton").
Celui-ci, dessiné par l'architecte Jacques Bonnard, est aussi grand qu'un immeuble (cent quarante et un mètres de long, trente et un mètres de large, vingt et un mètres de haut). Appuyé sur un talus pierreux en lisière du site, il est campé sur un radier de béton armé. A l'intérieur, les deux alvéoles de béton gris acier commencent doucement à se remplir. Depuis la coursive située en hauteur, nous avons pu voir la première couche qui déjà tapisse le fond de l'alvéole destinée à recevoir les blocs du sodium secondaire. Mille deux cent cubes sur les trente-huit mille qui doivent combler totalement la structure dont les hautes parois font penser aux murailles d'une fortification. Ainsi installés, ils attendront une trentaine d'année avant que leur activité atteigne celle du granit, nous dit-on.

9. Destination point zéro

Mener à bien les opérations de déconstruction exige une programmation rationnelle, qui intègre la vitalité actuelle des édifices et de leurs fonctions tout en déconnectant une à une les fonctions désormais inutilisées.
Il faut en outre veiller à protéger le site et le personnel des rayonnements qui pourraient s'échapper des univers qu'on décloisonne. De nouvelles frontières sont en permanence à redéfinir : les balises permettent de dessiner les périmètres de travaux accomplis en présence de matières radioactives. Lorsqu'un atelier démarre, la zone est interdite d'accès. Les impératifs de protection suivent le théorème du ALARA (aussi bas que raisonnablement possible). Selon les chantiers, il faut prendre des mesures et chercher les meilleures protections biologiques pour que la dosimétrie des intervenants demeure acceptable. Progressivement, l'espace du site est neutralisé pour ainsi dire. Dans l'idéal, il est démis de son histoire technique. Les éléments entreposés marquent cependant les étapes d'une évolution sociale. Car le site change de signification, pendant que les hommes se convertissent, eux aussi, à des pratiques perfectibles en permanence.

Vers où va cette progression dans le temps ? Il est difficile d'imaginer que l'immense coupole du BR sera un jour mise à terre. Lorqu'on arpente aujourd'hui les hautes structures des bâtiments générateurs de vapeur, on prend conscience des dimensions de ces édifices promis à la destruction. Pour le moment, l'atmosphère est au travail dense. Les dates de l'avenir marquent l'avancée du programme. En 2024, le démantèlement du bloc réacteur doit être achevé. Pour la démolition du BR, il faudra attendre 2026. Le site restera propriété d'EDF et conservera sa vocation industrielle. Dans le paysage nucléaire actuel, le RNR Superphénix fait figure de pionnier, son image accompagne le projet du nouveau RNR ASTRID dont la construction devrait commencer en 2012.
Quel avenir et quelle mémoire, pour les lieux ? "Quand on déconstruit une centrale nucléaire, on ne peut pas laisser une friche industrielle, dit Jacques Bonnard. Il faut démonter, mais avec une chronologie d'habillage pour faire progressivement passer l'objet dans la nature".
Il est certain qu'un vrai "retour à la nature" n'est ni possible ni souhaitable. On ne peut pas physiquement refermer les lieux, de même qu'on ne peut refermer la mémoire de ces lieux, avec ses cicatrices. L'interface entre le site et la société civile est d'ailleurs maintenue, par le biais de la salle de conférences qui sera bientôt rénovée. Certains bâtiments, comme l'APEC ou le hall HB resteront sous surveillance pendant des décennies. Dans la mesure où le "point zéro" demeure impossible, la réflexion d'un accompagnement paysager devrait aller de pair avec une réflexion sur le futur des hommes et des lieux. Ainsi, les techniques de démantèlement trouveraient dans ce registre une forme d'achèvement historique. C'est ce registre qui reste maintenant à inventer.