Jacqueline Salmon

Cloitre de santini

En 1720, l’abbé du couvent de Žďář Václav Vejmluv fit construire sur la butte Zelená Hora une église de pèlerinage pour honorer la mémoire du martyr saint Jean Népomucène. D’après la légende, au-dessus du corps du martyr noyé dans la Vltava était apparue une couronne à cinq étoiles. C’est pourquoi l’architecte Santini (Jan Blažej Santini-Aichel) opta pour la forme symbolique de l’étoile à cinq branches.

Alors qu’en France, à la même époque, on embrassait les bâtiments d’un seul coup d’œil, lui, invente déjà la promenade architecturale, il joue avec les formes et déjoue les règles de la perspective. Photographier son architecture fait entrer d’emblée dans cette problématique baroque : l’incertitude de la vision… Je pense qu’il a dessiné et construit en pensant les points de vue comme un bras de fer avec les lois de la perspective, et que sa lutte rejoint la mienne, assujettie que je suis trop souvent à la focale d’un objectif photographique. J’ai souvent envisagé de travailler sérieusement pour le faire connaître en France. Sur les quelques photographies que j’ai choisi de montrer, rien n’est explicite, on sent juste qu’il y a d’autres possibles, des espaces mystérieux qui tournent le dos aux règles de notre architecture classique.

J’y suis retournée depuis que le site a été classé au patrimoine mondial par l’Unesco, j’ai été heureuse de l’avoir découvert avant grâce à des amis tchèques. Il avait perdu son aura.

J.S.